Quelques notes prises dans mes premier jours en Californie (15-20 janvier)
maria | January 16th, 2006J’hésite tout le temps à poster sur ce blog. Je n’ai pas d’images, et chaque jour il se passe plein de petites choses. Bon, pour ne pas continuer à hésiter j’ai décidé de copier ici quelques notes que j’avais pris au début, les premiers jours… et d’ajouter quelques images trouvées sur le web :
La vie dans ces espaces anonymes. Bruxelles – London – San Francisco.
En général je déteste les aéroports. Je n”™aime pas cette mobilité de luxe, dont on sait les couloirs qui enferment les «illégaux ». Autour des moteurs des avions rugissant qui chauffent la vision se trouble et je ne peux pas m”™empêcher de penser à ces émanations qui réchauffent la planète. Et je monte dans ces engins.
Cette fois je ne veux penser à rien. Je me suis sentie légère et heureuse de l”™anonymat et je vide ma tête.
California desde el cielo : SF Bay
Premières impressions à 2000 pieds d”™altitude, l”™avion descend et je me tords le cou pour tenter d”™apercevoir la terre que mon voisin de rangée veut gentiment me laisser voir en dépit du fait que nous sommes assis en plein sur l”™aile de l”™avion”¦ Je vois un peu, et je fourmille d”™excitation : des collines pelées comme je les aime, évoquant ces paysages du centre de l”™Espagne et l”™arrière pays des côtes méditerranéennes, des collines gris-jaune essaimées de touffes de végétation asséchée, éparpillées comme des tâches qui je ne sais pas pourquoi me font penser au dos des hyènes. Je suis exaltée, je vois des monts se profiler et ensuite ça y est nous survolons la baie de San Francisco, SF (rime avec science fiction !). C”™est très impressionnant.
Le soleil rebondit sur l”™aile de l”™avion, éclatant mes yeux éblouis, je suis soulagée d”™être arrivée. Cet avion est étouffant, une boîte de sardines volante.
Tru(wo)man show
Mes premiers encounters sur la planète Californie : une technicienne près de la porte de sortie qui ne nous regarde pas, la tête ailleurs”¦ elle à l”™air terriblement fatiguée. Je me sens mal de sortir de cet avion, d”™entrer soulagée dans cet espace, qui est en fait son environnement de travail. Et qui m”™a l”™air ingrat.
Ensuite, à la sortie, deux policiers playmobil dévisagent les passagers. Ils provoquent en moi un rire nerveux : vêtus de bleu-flic, enchemisés de manches courtes, bras croisés sur la poitrine. Je n”™ose pas les regarder de peur qu”™ils voient que je ris, mais j”™ai envie d”™enregistrer chaque détail. Je ralentis un peu et regarde quand même du coin de l”™œil. Trop comique celui-là avec sa moustache il ressemble au détective d”™une série TV dont je me souviens (j”™ai du fouiller le nom dans ma mémoire Mike Hammer). Et voilà c”™est véridique, les flics (plus tard je constaterai que ce n”™est pas seulement les flics mais aussi des personnes de l”™administration, ou le plombier de la compagnie de gaz et la caissière du super marché) ont un petit badge avec leur nom. MURPHY s”™appelle celui-ci. Et ça, va-t-on savoir pourquoi, ça me fait beaucoup rire.
Mais tandis que je marche dans l”™aéroport de SF je comprends d”™où vient mon rire. Et une sensation s”™insinue dans mon corps, plutôt amusante qu”™angoissante, elle ne m”™a pas encore quitté alors que j”™écris ceci : je suis passée de l”™autre côté de l”™écran TV. Plus tard, quand j”™avouerai cette impression à mes nouveaux amis californiens ils vont rire et me signaler la caméra cachée dans la chaussure de ma charmante logeuse, K. Aye, me voilà dans Tru(wo)man show !
Entrer
Les démarches à l”™immigration vont plus vite que prévu, je fais la file dans un des guichets des « non citoyens US ». Quand je passe au guichet un policier d”™aspect asiatique (aussi enchemisé de bleu-flic) me parle à 100 à l”™heure et me demande des documents. Je sors mes papiers de la valise, tout ça va si vite, je m”™attendais à un entretien plus lent et pointilleux, que je bafouille. Il me fait poser devant une petite boule, comme un œil d”™insecte devenu machine, une bête webcam en fait, mais qui me fait cette impression de SF, et qu”™il pointe vers moi. Puis il enregistre mon empreinte digitale comme ils avaient fait à l”™ambassade pour mon visa. Pour toutes mes entrées et sorties ce sera comme ça. Tout sera enregistré quelque part.
Voilà , cachet sur mon papier et oups c”™est parti, comme à la caisse du supermarché je n”™ai pas le temps de remballer mes petits papiers rassembler mes affaires que le client suivant a déjà effacé mon existence de la mémoire disque du fonctionnaire. Je passe encore devant un flic, un grand cette fois, ce n”™est plus playmobil mais terminator, qui me dit de garder le petit papier où j”™ai sagement déclaré 25$ de chocolats et biscuits belges pour des gifts, car il me sera demandé à la douane”¦
Voilà , c”™est fait, comme quand j”™ai été chercher mon visa, tout ça a été plus simple qu”™imaginé. Je ramasse mes grosses valises et me dirige vers là sortie, une fliquette des douanes, en fait simplement placée près de la sortie, prend mon papier et me demande qui habite à l”™adresse indiquée”¦ je ne m”™attendais plus à des questions et donc je bafouille, mais elle voit mon visa, le type J1 (lequel je commence à comprendre équivaut pour une blanche à passer-comme-une-lettre-à -la-poste dans ce pays) et me laisse filer.
Gaucheries.
Personne ne m”™attend et je me sens un peu gauche avec ce chariot que j”™arrive à peine à manœuvrer. J”™ai presque deux heures à attendre le Santa Cruz Airporter. Avec ce gros chargement je ne peux pas beaucoup me balader.
Le hall d”™arrivée de cet aéroport est assez sobre, il est plus sobre que les autres que je connais, couleur béton, des grands volumes, très années septante, et de fait pas trop moche. J”™achète une boisson et laisse maladroitement un pourboire comme me l”™a bien appris mon Lonely Planet Californie.
Sourires.
Je me demande pourquoi personne ne m”™avait dit que les américains sont gentils, polis je veux dire. En tout cas j”™ai l”™impression que les gens ne son pas speedés ici comme dans l”™Aéroport de Bruxelles, ni celui de Madrid que je connais mieux, pas de têtes fermées, les gens sourient quand ils te croisent, et je n’ai pas l’impression que ce sont des sourires forcés, mais francs et gentils, et font de la place pour que je passe avec mon chariot, m”™aident même quand ils voient que je coince (ça continue comme ça, je me sens presque une brute avec mes manières).
Petites différences.
Le plein soleil m”™attire dehors et je décide d”™attendre l”™airporter à l”™arrêt (ce qui me fait réaliser, très vite que j”™ai oublié mes lunettes solaires à Bruxelles). J”™ai chaud au soleil, ça fait du bien, comme le soleil d”™automne de Madrid. J”™enlève des couches et vois passer les gens que viennent chercher des taxis et limousines, face à moi s”™ouvre un tressé compliqué d”™autoroutes qui paraissent partir de l”™aéroport. A gauche, sur une voie surélevée, comme dans un film de SF vieillot circule un petit train argenté avec des grandes fenêtres. (Toujours pas d’appareil photo… j’ai trouvé une image sur le web)
Tout est bizarre, les voitures, ces pick-ups et limousines, et of course des méga 4X4…
Jetlag.
Il est 16h quand arrive l”™airporter. Conduit une femme aux cheveux longs brun-gris, lunettes rondes fumées et look post-baba, très sympa, voix de fumeuse (il en reste !) je dois m”™habituer à l”™accent américain, ils parlent tous à 100 à l”™heure en plus. Le voyage est très chouette, je suis seule dans la camionnette, on papotte. Elle adore Santa Cruz, « Its home » dit-elle, « j”™ai essayé de partir trois fois pour chaque fois revenir ». Elle n”™est pas riche, son loyer est de 400$. J’adore parler avec elle mais je pique du nez…
Et je continue dans mon hallucination en cinemascope. Et tout est très très large ici. Evidement l”™autoroute à plein de bandes, je regarde les voitures, les bâtiments. On a traversé la Silicon valley, on fait arrêt à l”™aéroport de San José, tous ces noms sont bizarres, si familiers et si exotiques en même temps.
Et je suis très contente : TOUT EST EN BILINGUE ANGLAIS- ESPAGNOL ICI !!!!
Dommage mais quand on doit traverser les monts qui séparent Santa Cruz de l”™arrière Peninsule il fait déjà noir”¦ et mon jetlag commence à agir, je suis en train de faire le tour de l”™horloge (levée à 3h00 am. de bxl et ici il est bientôt 18h et donc 3h am. de nouveau à bxl). Je pique du nez de plus en plus tandis que nous entrons à Santa Cruz.
home ?
On arrive à celle qui sera bientôt ma petite maison, je plane dans mon sémi sommeil je ne vois pas grande chose, sauf que la lumière est allumée et qu”™une femme petite, frêle et rapide sort m”™accueillir”¦ C”™est la proprietaire de la maison où je vais vivre, K. Elle attend dehors pendant que la chauffeure m”™ouvre la porte et me donne son numéro de téléphone « just in case you need anything ! » – puis m”™accueille bras grands ouverts en s”™exclamant : « look at you ! You are so tiny”¦ ! » dit elle”¦ Dedans, un feu ouvert m”™accueille. Et comme dit K « your new home»”¦
Ma tante d”™Amérique .
On s”™est tout de suite très bien entendues K (la propriétaire de la maison) et moi, dès le premier soir, j”™étais zombie, elle m”™a aidée à demeurer éveillée pour commencer à soigner mon jetlag”¦ je n”™ai pas beaucoup résisté.
Ma propriétaire est maintenant un peu une copine, mais j”™ai l”™impression plutôt d”™être vénue chez une parente lointaine, que je serais venue rencontrer : « Yo tengo un tào en América ! » dit une chanson dans West Side Story”¦ et bien maintenant : « yo tengo una tàa en América ! ».
Nature
Je m’amuse beaucoup. K. m’a tout de suite conduit à l’université le lendemain matin de mon arrivée. J’ai été très impressionnée par ce campus en plein dans les bois sur les hauteurs. Entre les bâtiments on voit l’océan. Je me suis souvenue du livre que je lisais dans l’avion, French Theory… que Thomas m’avait offert avant de partir, dans lequel un chapitre explique l’idéal de l’université nord-américaine, l’isolement dans des lieux entourés de vert… de “nature” pour forger les jeunes esprits… mmmm. Je suis quand même très contente de penser que je peux venir travailler ici tous les jours!!… pendant un temps.
On a aussi fait une longue ballade près de l’océan (dans la cliff drive). Jusqu’aux dits “natural bridges” dont voici une vue :
Il a beaucoup plu ces nuits… et il fait froid, mais l’océan est magnifique en pleine tempête et les lions de mer, qui logent sous la jetée en cette période de migrations, aboient si fort que je les entends la nuit de la maison (qui pourtant est à quelques miles de la plage).
travaux d’entretien de l’américan dream
Dès le premier jour, dans cette promenade avec K., devant le magasin de bricolage du coin la dureté était là . Un groupe d”™une vingtaine d”™hommes – des mexicains – attend, il paraît tous les jours, devant le parking des propositions de boulot qui descendent des voitures.
Je n”™ai pas l”™habitude de voir cela comme ça (sauf dans les films) je ne peux pas m”™empêcher de les voir comme « faisant le trottoir ».
Je n”™aime pas le sentiment quand je marche sur ce trottoir, accompagnée de mi tia americana, d”™être une jeune blanche bourgoise « de paseo » pour faire ses courses.
Je suis très mal à l’aise et je fais « de tripas corazà³n » et je regarde chacun en passant, en disant un clair « buenos dàas ». K fait de même, elle dit d’ailleurs bonjour à tout le monde en général donc ça m’encourage.
Je perçois leur surprise, mais ils répondent tous, tout âge, sérieux. J”™ai l”™impression que c”™est la moindre des choses, mais je ne me sens pas mieux pour autant. De retour à la maison, un pick up dégringolé est garé devant la maison du voisin, et deux noirs font les jardins, tondent les gazons idiots (heureusement pas de gazon dans ma maison)
(Plus tard un nouvel ami W nous a expliqué; ils font n”™importe quel boulot pour 10 dollars l”™heure. Ils travaillent au maximum 10 par semaine. Cela fait peu je dis, oui mais c”™est plus qu”™ils ne gagnent au Mexique me dit-il. Ils partagent une chambre ici et envoient la plupart des sous à la maison.
J”™ai pensé à la remarque cynique de quelqu’un, un jour où je m”™indignais contre le cynisme de certains de mes ainés en fin de soirée familiale : il n”™y a pas de luxe sans égouts).