{"id":18,"date":"2006-04-10T21:42:02","date_gmt":"2006-04-10T19:42:02","guid":{"rendered":"http:\/\/maria.constantvzw.org\/?p=18"},"modified":"2006-04-10T21:42:02","modified_gmt":"2006-04-10T19:42:02","slug":"lo-claro-lo-oscuro-y-lo-claroscuro","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/maria.constantvzw.org\/2006\/04\/lo-claro-lo-oscuro-y-lo-claroscuro\/","title":{"rendered":"Lo claro, lo oscuro (y lo claroscuro)"},"content":{"rendered":"
Samedi celle qui est devenue mon amie Clea m’a invit\u00e9e \u00e0\u00a0 faire une promenade sur le West Cliff Drive, la longue promenade qui longe l’oc\u00e9an. Bon plan pour soigner le jetlag! La journ\u00e9e \u00e9tait magnifique, un soleil \u00e9clatant et chaleureux, un vent un peu frais, mais fort, des vagues incroyables (les surf-accros \u00e9taient aux anges, et c\u201d\u2122est vrai qu\u201d\u2122on dirait des anges noirs aux larges ailes d\u201d\u2122\u00e9cume s\u201d\u2122enroulant sur la mer). On marchait dans une atmosph\u00e8re d’argent, \u00e9paisse de lumi\u00e8re, l’oc\u00e9an bleu profond, les gens rayonnant, la plage des chiens \u00e9tait \u00e0\u00a0 son comble de jeux fous. Tout \u00e9tait brillant, gai et irr\u00e9el.<\/p>\n
(Bon pour tout vous dire, jeudi j’ai vu une baleine au loin, du m\u00eame endroit).<\/p>\n
Apr\u00e8s cette promenade je suis rentr\u00e9e \u00e0\u00a0 la maison, je me suis cuisin\u00e9e un diner rapide et puis me suis appr\u00eat\u00e9e pour aller boire un verre en ville (\u00e7a arrive trop rarement pour ne pas profiter de l’occasion pour se faire un peu joli). J’avais rendez vous avec Berna et Feza, un couple de turcs qui sont devenus des copains, \u00e0\u00a0 Sarah et \u00e0\u00a0 moi. Ils partent en juin (Berna fait sa th\u00e8se en sociologie sur un groupe religieux turque et leur rapport avec la science, son mari Feza est prof de math\u00e9matiques \u00e0\u00a0 Ankara et il est la confirmation vivante que le scientifique fou et maladroit charmant n’est pas un mythe, il existe bel et bien. Il para\u00eet que ses \u00e9tudiants l’adorent, qu\u201d\u2122\u00e0\u00a0 la fin d’un cours il perd la chemise (descamisado) et il a de la craie partout, jusqu’\u00e0\u00a0 dans les lunettes! (c\u201d\u2122est Bena qui raconte en riant aux larmes). Je suis triste qu’ils partent bient\u00f4t. C’\u00e9tait tr\u00e8s gai, j’ai fait connaissance avec un bar \u00e0\u00a0 tacos tr\u00e8s populaire et on a bu deux carafes de Margarita! Donc, j’\u00e9tais un peu soule…<\/p>\n
Je voulais rentrer t\u00f4t, pour me reposer. Je leur ai dit au revoir sur le trottoir.<\/p>\n
C’est quand ils sont partis que j’ai r\u00e9alis\u00e9 que j’\u00e9tais tomb\u00e9e dans une sc\u00e8ne de descente aux enfers version post-moderne – et version douce (car je n\u201d\u2122avais pas peur). En fait, c’\u00e9tait ma premi\u00e8re soir\u00e9e de samedi en ville. Il \u00e9tait 22h30, les commerces ferm\u00e9s, les caf\u00e9s et restaurants ouverts. Cette rue principale, Pacific Avenue, ressemble de jour (dixit Didier) \u00e0\u00a0 un d\u00e9cor de Disneyland (en fait c’est un peu exag\u00e9r\u00e9 mais comme les b\u00e2timents ont \u00e9t\u00e9 reconstruits apr\u00e8s le tremblement de terre de 1995 tout \u00e0\u00a0 l\u201d\u2122air un peu en carton p\u00e2te). Et ben, samedi soir, j\u201d\u2122aurais bien vu appara\u00eetre des personnages masqu\u00e9s avec des longues capes, des fant\u00f4mes et des fuegos fatuos. A tous les coins de rue il y a des groupes de jeunes et moins jeunes, entre punks, grunges et sdf, tous ont l\u201d\u2122air d\u201d\u2122avoir fum\u00e9, ou autre chose, tout le monde te parle, tout le monde veut du \u00ab spare change \u00bb. Et un flux de gens marche sur l\u201d\u2122avenue, de tous les \u00e2ges, de looks divers. Les bancs publics sont tous occup\u00e9s, souvent par des gens en train de boire (des bouteilles cach\u00e9es dans des sachets en papier brun), ici un type joue du djemb\u00e9 et chantonne tout seul, comme en transe. Je n\u201d\u2122ai pas peur, mais c\u201d\u2122est vraiment \u00e9trange. Un d\u00e9cor de d\u00e9s\u0153uvrement para\u00eet s\u201d\u2122\u00eatre \u00e9tal\u00e9 \u00e0\u00a0 quelques centaines de m\u00e8tres seulement de la promenade de lumi\u00e8re. <\/p>\n
Dans tout \u00e7a, j\u201d\u2122ai \u00e9t\u00e9 captur\u00e9e par une sc\u00e8ne magique, triste et folle : trois jeunes musiciens jouent une tr\u00e8s belle musique, et autour, d\u201d\u2122autres jeunes dansent, une danse lente et bizarre, chacun dans son monde, souriant ou le regard perdu. Des hippies ? Pas tout \u00e0\u00a0 fait, ils sont jeunes, look de la generation seattle, ils sont beaux et en pleine sant\u00e9 et la musique n\u201d\u2122a rien \u00e0\u00a0 voir avec celle des sixties. C\u201d\u2122est plut\u00f4t une ballade qui rappelle The Ex.<\/p>\n
Au violon une jeune fille, tr\u00e8s jolie, les cheveux blonds coup\u00e9s de mani\u00e8re asym\u00e9trique, une longue jupe noire et une veste en velours brun roux, des bottes. A l\u201d\u2122accord\u00e9on un beau gar\u00e7on, moins jeune, peut-\u00eatre trente ans, blanc craie et cheveux tr\u00e8s noirs, les yeux bleus et un regard intelligent et serein, leur complicit\u00e9 est patente en jouant. Ils rient et sont s\u00e9rieux en m\u00eame temps, il y a quelque chose de grave, de responsable, dans leur allure. A la basse un autre jeune homme. J\u201d\u2122ai oubli\u00e9 son visage. Les deux gars sont tous v\u00eatus de noir.
\nJ\u201d\u2122\u00e9tais fascin\u00e9e, je voulais danser aussi. Mais je n\u201d\u2122ai pas os\u00e9, je me sentais vieille. Les danseurs tous diff\u00e9rents, une belle fille aux cheveux emm\u00eal\u00e9s, danse comme une indienne, \u00e0\u00a0 genoux, elle descend le dos en arri\u00e8re, presque \u00e0\u00a0 terre et regarde vers le ciel en faisant des boucles de ses bras, pouce et indice coll\u00e9s.
\nSes bras sont ronds et frais, les joues roses. Elle aussi \u00e0\u00a0 un regard intelligent, la souplesse d\u201d\u2122un jonc, d\u201d\u2122un roseau, d\u201d\u2122un serpent ? Elle est magnifique. Une autre fille v\u00eatue d\u201d\u2122une robe blanche tr\u00e8s retro, presque d\u201d\u2122\u00e9pouse de colon, avec une boutonni\u00e8re de dentelle sur la poitrine, le sourire stup\u00e9fait, le visage fig\u00e9, elle aussi est contorsionn\u00e9e, par la musique qui la traverse, doucement. Mais le fant\u00f4me est plut\u00f4t cette petite fille, un couple qui paraissait passer par l\u00e0\u00a0, avec une petite fille tr\u00e8s maigre, tr\u00e8s vive, dit bonjour \u00e0\u00a0 la danseuse blanche, et puis la petite fille se joint \u00e0\u00a0 la danse, elle est bizarre, lutinesque, et je comprends qu\u201d\u2122elle ne peut pas \u00eatre si blanche, elle est maquill\u00e9e, mais pas vraiment maquill\u00e9e elle a seulement le visage blanc de craie. Comme si elle \u00e9tait couverte de talc, elle est vraiment bizarre. Elle danse aussi, puis la jeune femme en blanc \u00e0\u00a0 la robe de dentelles se pose \u00e0\u00a0 genoux par terre, on dirait une grande libellule blanche, la petite s\u201d\u2122installe sur les genoux comme un papillon, elle a des oreilles pointues, et elles continuent, comme un fant\u00f4me \u00e0\u00a0 deux t\u00eates, a bouger les bras vers le ciel noir de la nuit, robe et visages blancs sous les lampadaires oranges. <\/p>\n
D\u201d\u2122autres danseurs sont moins gracieux, mais tout autant lunaires, un gar\u00e7on dont la maigreur fait peur et qui lui a l\u201d\u2122air tout \u00e0\u00a0 fait perdu, voire malade, danse sur place, faisant des petits bonds, hors de la musique, ou du moins hors de celle que j’entends moi. Il y en a encore trois ou quatre, dont un qui n\u201d\u2122arr\u00eate pas de faire des petits bonjours et reverences aux passants.
\nJe fuis son regard. Je me suis install\u00e9e derri\u00e8re le couple qui a amen\u00e9 la petite fille et qui regarde souriant la sc\u00e8ne, je me cache un peu, sur le trottoir refugi\u00e9e sous la porte d\u201d\u2122un magasin. Et pourtant j\u201d\u2122aimerais tellement danser avec eux. Je tiens mon v\u00e9lo d\u201d\u2122une main, et j\u201d\u2122ai honte car il est si neuf, je voudrais qu\u201d\u2122il soit vieux. Mais personne ne me regarde. D\u201d\u2122autres jeunes entourent la sc\u00e8ne, simplement assis sur des bancs, riant et bavardant. Au milieu, par terre, une caisse de violon deborde de billets verts. Mais pour en d\u00e9poser un il faudrait que je m’avance au centre. La violoniste et l\u201d\u2122accord\u00e9oniste continuent leur dialogue sans mots, leurs corps et sourires rythm\u00e9s. C\u201d\u2122est magnifique. Et si sombre. Le noir de la nuit est beau et velout\u00e9, et j\u201d\u2122ai l\u201d\u2122impression d\u201d\u2122\u00eatre au bout du monde, loin, \u00e0\u00a0 la fin du monde. Il ne reste plus que cette rue au milieu du n\u00e9ant. Et ces gens dansent cette fin mais nous font aussi un d\u00e9but. C\u201d\u2122est glauque, mais c\u201d\u2122est un v\u00e9ritable r\u00eave. <\/p>\n
Je m\u201d\u2122en vais, je dois rester de trop, \u00e0\u00a0 moins de plonger dans un autre monde, ailleurs o\u00f9 personne ne pourrait me reconna\u00eetre, je serais aussi libellule ou serpent. Je p\u00e9dale ma fuite, le coeur dans la gorge, je quitte cette rue enfonc\u00e9e et monte des ruelles solitaires entre les petites maisons align\u00e9es.<\/p>\n
C\u201d\u2122est Santa Cruz, Californie, un samedi, jour et nuit, contrastes. <\/p>\n
Pas \u00e9tonnant, les voitures arborent ici un autocollant qui dit ainsi : Keep santa cruz weird.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
Samedi celle qui est devenue mon amie Clea m’a invit\u00e9e \u00e0\u00a0 faire une promenade sur le West Cliff Drive, la longue promenade qui longe l’oc\u00e9an. Bon plan pour soigner le jetlag! La journ\u00e9e \u00e9tait magnifique, un soleil \u00e9clatant et chaleureux, un vent un peu frais, mais fort, des vagues incroyables (les surf-accros \u00e9taient aux anges, […]<\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[1],"tags":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/maria.constantvzw.org\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/18"}],"collection":[{"href":"https:\/\/maria.constantvzw.org\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/maria.constantvzw.org\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/maria.constantvzw.org\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/maria.constantvzw.org\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=18"}],"version-history":[{"count":0,"href":"https:\/\/maria.constantvzw.org\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/18\/revisions"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/maria.constantvzw.org\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=18"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/maria.constantvzw.org\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=18"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/maria.constantvzw.org\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=18"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}